Moorcock,Michael-[Elric-3]Le navigateur sur les mers du destin(1976).OCR.French.ebook.AlexandriZ.pdf

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T3 - Le navigateur sur les mers
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Michael Moorcock
L E C YCLE D ’E LRIC
T OME 3
L E NAVIGATEUR SUR LES MERS
(The sailor on the seas of fate, 1976)
Traduction de Frantz Straschitz
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Livre premier
Cap sur l’avenir
et laissant son cousin Yyrkoon siger sur le
Trône de Rubis de Melniboné, laissant sa cousine
Cymoril en pleurs et sans espoir de le voir jamais
revenir, Elric prit la mer, quittant Imrryr, la Cité qui
Rêve, en quête d’un but inconnu dans le monde des
Jeunes Royaumes où les Melnibonéens étaient, au
mieux, mal-aimés. »
C HRONIQUE DE L PEE N OIRE
1
On et dit qu’il se tenait dans une immense caverne dont les
parois et la voûte étaient constituées de couleurs sombres et
changeantes qui parfois se désagrégeaient pour laisser pénétrer des
rayons de lune. Que ces parois ne fussent que des nuages amoncelés
au-dessus des montagnes et de l’ocan, il tait difficile de le croire,
quand bien même la lumière de la lune les transperçait, les
éclaboussait et laissait voir la mer noire et tumultueuse qui baignait
le rivage sur lequel il se tenait.
Grondement de tonnerre lointain ; lueurs d’clairs lointains ;
petite pluie fine ; et les nuages jamais en repos : de noirs comme le
jais à blancs comme la mort ils bouillonnaient lentement, comme
les mantes d’hommes et de femmes livrés à un menuet extatique et
crmonieux. L’homme debout sur les galets de cette morne grve
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songeait des gants dansant sur la musique de l’orage lointain, et
il ressentait ce que doit ressentir celui qui par mégarde pénètre dans
un lieu où les dieux se récréent. Il abaissa les yeux des nuages à
l’ocan.
Les eaux semblaient lasses. De grosses vagues se soulevaient
avec difficulté et retombaient comme avec soulagement, en haletant
au contact des rochers acérés.
Il tira son capuchon pour couvrir plus étroitement son visage, et
plus d’une fois il regarda par-dessus son épaule couverte de cuir en
s’approchant d’un pas pesant de la mer, laissant les embruns
clabousser la pointe de ses bottes noires qui montaient jusqu’aux
genoux. Il essaya de scruter les profondeurs de la caverne de
nuages, mais la vue ne portait pas loin : il était impossible de
discerner ce qu’il y avait de l’autre côt de l’ocan, ni même de
savoir jusqu’o s’tendaient les eaux. Il pencha la tête de côt en
tendant l’oreille, mais ne perçut rien que les bruits du ciel et de la
mer. Il soupira. Un instant, un rayon de lune se posa sur lui, et
parmi la chair blême de son visage brillèrent deux yeux rouges
pleins de tourment ; puis l’obscurit revint. A nouveau, il se
retourna, craignant de toute évidence que la clarté eût révélé sa
présence à quelque ennemi. Aussi silencieusement que possible, il
gagna l’abri du rocher sur sa gauche.
Elric était las. Dans la cité de Ryfel, au pays de Pikarayd, il avait
naïvement cherché à se faire accepter en offrant ses services comme
mercenaire dans l’arme du gouverneur de la place. Pour prix de sa
sottise il avait été jeté en prison comme espion de Melniboné – aux
yeux du gouverneur, il tait vident qu’il ne pouvait rien être d’autre
– et ne s’tait échappé que tout récemment en usant de corruption
et de quelque sorcellerie mineure.
On s’tait cependant lanc presque aussitôt sa poursuite, en
utilisant des chiens faits à toutes les ruses, et le gouverneur en
personne avait mené la chasse au-delà des frontières de Pikarayd et
jusque dans les valles schisteuses isoles et inhabites d’une
contrée que la coutume locale baptisait Collines Mortes, tant était
rare ce qui y poussait ou s’efforait d’y vivre.
L’homme au visage blême avait escalad les flancs abrupts de
petites montagnes, dont les pentes de schiste gris et friable
s’boulaient sous les pas de son cheval avec un fracas qui s’entendait
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à deux ou trois kilomètres à la ronde ; il avait suivi des ravines où
l’herbe tait plus que rare et o le lit des ruisseaux était à sec depuis
des dizaines et des dizaines d’annes ; il s’tait enfonc dans des
passages souterrains que n’ornait même pas une stalactite ; il avait
traversé des plateaux où se dressaient des monticules de pierres
édifiés par une peuplade oubliée – tout cela pour échapper à ses
poursuivants. Et bientôt il lui sembla qu’il avait quitt jamais le
monde qu’il connaissait, franchi une frontire surnaturelle pour
pénétrer dans une de ces sinistres contrées où la Loi et le Chaos
jadis s’taient affronts et tenus l’un l’autre en chec, laissant leur
champ de bataille privé de toute vie et de toute possibilité de vie.
Il avait fini par crever son cheval sous lui ; et, abandonnant le
cadavre, il avait continu pied, haletant, jusqu’ la mer, jusqu’
cette grève étroite : il ne pouvait pousser plus loin et n’osait
rebrousser chemin, de crainte que ses ennemis ne fussent
embusqus pour l’attendre.
Que ne donnerait-il pas pour une embarcation, maintenant ! Les
chiens ne seraient pas longs à flairer sa piste et à conduire leurs
maîtres à ce rivage. Il haussa les épaules : mieux valait sans doute
mourir en solitaire ici, abattu par ceux qui ne savaient pas même
son nom. Son seul regret serait que Cymoril se demanderait
pourquoi il ne revenait pas au terme de l’anne.
Il n’avait rien manger, et plus gure des drogues qui, ces
derniers temps, avaient soutenu ses forces. Et, sans renouveler ses
forces, il ne pouvait envisager de recourir à la sorcellerie pour créer
quelque moyen de traverser la mer et de gagner, peut-être, l’Ile des
Cits Pourpres o l’on tait le moins mal dispos envers les
Melnibonéens.
Il n’y avait qu’un mois qu’il avait laiss derrire lui sa cour et
celle qui devait être sa reine, en déléguant à Yyrkoon le trône de
Melniboné jusqu’ son retour. Il avait cru pouvoir en apprendre
davantage sur la population humaine des Jeunes Royaumes en se
mêlant à elle ; mais il avait été rejeté, soit avec une haine sans
détour, soit avec une humilité circonspecte et factice : nulle part il
n’avait rencontr quiconque qui ft dispos croire qu’un
Melnibonéen (encore ignorait-on qu’il ft l’Empereur) voult de son
plein gré partager le sort des humains qui avaient jadis été sous le
joug de cette race antique et cruelle. Et à présent, debout au bord
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