saint_gregoire_40_sermons_evangile.rtf

(1051 KB) Pobierz
Homélies sur les Évangiles

Homélies sur les Évangiles

 

saint Grégoire le Grand

 

 

HARANGUE AU PEUPLE À PROPOS DE L’ÉPIDÉMIE

 

 

Les diverses éditions des œuvres de saint Grégoire ont coutume de joindre aux Homélies sur les Evangiles le discours prononcé à l’occasion de la grande épidémie de 590 pour encourager le peuple à faire pénitence de ses péchés et à obtenir du Ciel la fin du fléau. Ce texte est placé à la suite des Homélies dans la Patrologie Latine de Migne (t. 76, col. 1311-1314). Nous avons préféré l’insérer au début, car il aide à comprendre les circonstances dans lesquelles Grégoire a dû prêcher.

En novembre 589, le Tibre déborde, ruinant plusieurs édifices et renversant les greniers de l’Eglise, où l’on conservait le froment pour la nourriture des pauvres. Des serpents et des bêtes monstrueuses, noyés et rejetés sur la rive, dégagent des miasmes, qui, en janvier 590, font éclater une épidémie de peste inguinale (la peste apparaît sous l’aine des malades). Une des premières victimes est le pape Pélage II, emporté le 7 février; il y en a beaucoup d’autres, et les Romains sont si terriblement décimés qu’on croit voir les flèches célestes tomber sur eux et les frapper. Grégoire est acclamé pape par le peuple unanime, mais il fait tout ce qu’il peut pour se soustraire à un honneur qu’il redoute. Cependant, s’il refuse aussi longtemps que possible la dignité pontificale, il ne se dérobe pas pour autant au service du peuple, et assume sans attendre le rôle de chef dans la Ville éternelle désorientée. Il faut à la fois préparer les fidèles menacés par la peste à bien mourir, et pour conjurer ce fléau, faire adresser au Ciel des prières instantes : telles sont les deux finalités que poursuit Grégoire dans sa harangue au peuple romain. Il engage les chrétiens à tirer parti des châtiments divins qui s’abattent sur eux pour s’ouvrir à une vraie conversion. Une mort subite, qui ne laisse pas aux malades le temps de la pénitence, frappe le peuple sans relâche. En quel état les âmes doivent-elles paraître en présence de leur Juge! Il faut donc que chacun recoure sans attendre aux larmes de la pénitence, et efface ainsi ses fautes. Personne ne doit désespérer : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Grégoire, ayant ainsi exhorté le peuple, ordonne des «litanies», c’est-à-dire des processions solennelles. Il manifeste en cette occasion le génie de liturgiste dont il a donné bien d’autres preuves dans sa vie : de sept basiliques désignées, les diverses catégories du peuple doivent partir, au chant des litanies, avec le clergé de chacune des sept régions. Puis ces sept groupes se rejoindront à Sainte-Marie-Majeure pour une longue prière commune.

C’est par le récit que le diacre tourangeau Agiulf fit à l’historien Grégoire de Tours que nous connaissons tous ces détails. L’Histoire des Francs précise encore : «Il rassembla les groupes de clercs et leur ordonna de chanter pendant trois jours et d’implorer la miséricorde du Seigneur. A partir de la troisième heure, des chœurs de chantres venaient des deux côtés à l’église, en clamant à travers les rues de la Ville Kyrie Eleison, et notre diacre [Agiulf], qui était présent, racontait que dans l’espace d’une seule heure, tandis que la voix du peuple adressait au Seigneur ses supplications, quatre-vingts personnes étaient tombées par terre et avaient rendu l’âme. Mais celui qui allait devenir évêque ne s’arrêta pas de prêcher le peuple, dans la crainte qu’il ne cessât ses prières.» (Hist. Franc. X, 1)

Ainsi, avant même d’être pape, Grégoire «ne s’arrêtait pas de prêcher», malgré sa santé si chancelante. Il ne s’arrêta pas non plus une fois pape. Et c’est ce zèle pour la prédication qui nous a valu les quarante Homélies qui suivent.

Les fléaux de Dieu, que nous aurions dû redouter quand ils étaient encore à venir, il faut du moins, frères très chers, qu’ils nous inspirent de la crainte maintenant qu’ils sont présents et que nous les ressentons. Laissons la souffrance nous ouvrir la voie de la conversion, et les châtiments mêmes qui nous frappent attendrir la dureté de notre cœur. Car ainsi que l’a prédit le témoignage du prophète, «le glaive a pénétré jusqu’à l’âme» (Jr 4, 10). Vous voyez en effet le peuple entier frappé du glaive de la colère céleste, et tous les hommes victimes de ces coups imprévus. La maladie ne précède plus la mort, mais comme vous le constatez, c’est la mort elle-même qui prend les devants sur la maladie. Celui qui est frappé se voit enlevé avant d’avoir pu recourir aux larmes de la pénitence. Considérez donc dans quel état se présente aux regards du Juge rigoureux celui qui n’a pas le temps de pleurer ce qu’il a fait.

Ce n’est pas une partie des habitants qui est emportée, mais ils tombent tous ensemble. Les maisons se retrouvent vides; les parents assistent aux funérailles de leurs enfants, et leurs héritiers les précèdent dans la tombe. Que chacun de nous cherche donc un refuge dans les lamentations de la pénitence, pendant qu’il a encore le temps de pleurer avant d’être frappé. Remettons devant les yeux de notre esprit tous nos errements passés, et expions dans les larmes le mal que nous avons commis. «Hâtons-nous de nous présenter devant lui par la confession» (Ps 95, 2), et comme le demande le prophète, «élevons nos cœurs avec nos mains vers Dieu» (Lm 3, 41). Elever son cœur avec ses mains vers Dieu, c’est soutenir son effort de prière avec les mérites de ses bonnes œuvres. Comme il donne, oh oui! comme il donne confiance à notre crainte, celui qui crie par la voix du prophète : «Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive.» (Ez 33, 11). Que personne ne désespère à cause de l’énormité de ses crimes : une pénitence de trois jours a effacé les fautes invétérées des Ninivites (cf. Jon 3), et le larron converti a mérité la récompense de la vie à l’instant même de la sentence qui le condamnait à la mort (cf. Lc 23, 40-43). Changeons donc nos cœurs, et soyons persuadés que nous avons déjà reçu ce que nous demandons. Le Juge se laisse plus vite fléchir par la prière si celui qui demande se corrige de ses dérèglements.

En face de ce glaive menaçant qui nous châtie si terriblement, persévérons dans nos prières jusqu’à en être importuns. L’importunité, qui a coutume d’ennuyer les hommes, plaît à la Vérité qui nous juge, car le Dieu bon et miséricordieux veut que le pardon lui soit demandé avec insistance dans la prière : il ne veut pas se mettre en colère autant que nous le méritons. Aussi dit-il par la bouche du psalmiste : «Invoque-moi aux jours de ta détresse; je te délivrerai, et tu me glorifieras.»

(Ps 50, 15). C’est donc lui-même qui témoigne de son désir de faire miséricorde à ceux qui l’invoquent, puisqu’il nous exhorte à l’invoquer.

Le cœur contrit, et après avoir rectifié notre conduite, nous viendrons donc, frères très chers, dès l’aube de demain mercredi, former sept processions, qui psalmodieront les litanies dans la ferveur de l’âme et dans les larmes, suivant l’ordre que je vais vous indiquer. Que nul d’entre vous ne sorte travailler aux champs, que nul ne se livre à une occupation quelconque, en sorte que nous nous réunissions tous à l’église de la sainte Mère du Seigneur, et qu’après avoir péché tous ensemble, nous pleurions aussi tous ensemble le mal que nous avons commis. Le Juge rigoureux, nous voyant ainsi nous punir nous-mêmes de nos fautes, nous fera grâce de la condamnation qu’il avait portée contre nous.

La procession des clercs sortira de l’église du bienheureux Jean-Baptiste; celle des hommes, de l’église du bienheureux martyr Marcel; celle des moines, de l’église des martyrs Jean et Paul; celle des servantes de Dieu, de l’église des bienheureux martyrs Côme et Damien; celle des femmes mariées, de l’église du bienheureux Etienne, premier martyr; celle des veuves, de l’église du bienheureux martyr Vital; celle des pauvres et des enfants, de l’église de la bienheureuse martyre Cécile.

 

 

Lettre A SECUNDINUS, ÉVÊQUE DE TAORMINA

 

 

La lettre de saint Grégoire à Secundinus, qui sert de prologue au recueil des quarante Homélies, contient des indications dignes d’attention. Elle nous apprend d’abord comment le pape définit sa prédication. Prêcher, pour lui, c’est commenter l’évangile. Et s’il ne dédaigne pas d’user des actes des martyrs dont il célèbre le natale, ou d’histoires appropriées à son sujet, si même, plus souvent encore, il s’étend longuement sur le mystère de la fête célébrée, c’est bien de l’évangile du jour qu’il veut avant tout entretenir ses auditeurs. Les Homélies sur les Evangiles ne mentent pas à leur titre.

Grégoire précise aussi qu’il a prêché pendant la messe : inter sacra missarum solemnia. Le pape ne craint donc pas d’allonger parfois la cérémonie d’une heure, voire davantage, par de copieux commentaires d’évangile. On mesure ici la capacité d’attention des fidèles de l’époque, capables de rester debout trois heures durant pour prier et écouter la parole de Dieu.

Grégoire, enfin, se plaint dans sa lettre qu’on ait diffusé ses homélies sans lui laisser le temps de les réviser. Cette plainte nous montre sans doute l’importance qu’il attache à l’exactitude doctrinale de son enseignement, mais elle nous révèle aussi l’empressement avec lequel on s’est jeté dès les origines sur les textes venant de lui. Déjà s’annonce l’engouement provoqué par les Homélies, «l’un des livres les plus lus et les plus vénérés de tout le moyen âge» (J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, 2e éd., Paris, 1948, p. 18). L’admiration des médiévaux pour saint Grégoire a été sans bornes. Après la Sainte Ecriture, ses ouvrages ont été les plus recopiés. On les retrouve dans toutes les bibliothèques monastiques. L’abbé Raymond Etaix signale qu’il en subsiste aujourd’hui plus de quatre cents manuscrits, sans compter les fragments, les Homélies transcrites isolément et surtout les homéliaires, qui, tous, reproduisent cette œuvre.

Pendant plus de cinq siècles, Grégoire a été considéré comme le premier des maîtres. «De génération en génération, il a des disciples qui disent de lui : Gregorius noster, comme les admirateurs de Virgile disaient : Virgilius noster. […] Sensible au mélange de simplicité familière et de grandeur qui se dégageait de l’œuvre grégorienne, le moyen âge a voué à son auteur un culte de tendresse. Ce Grégoire, si humain qu’il avait pleuré, disait-on, sur le sort de Trajan, lui est apparu, de tous les docteurs, le plus accessible et le plus aimable. Aussi, pendant des siècles, ne se lasse-t-on pas de le lire et de le relire.» (Henri de Lubac, Exégèse médiévale, Paris, Le Cerf, 1993, t. 2, ch. VIII, 5 : Le moyen âge grégorien, p. 537-548). Pierre le Vénérable (XIIe siècle) signale par exemple que «chaque jour et sans interruption, des frères innombrables, jusque parmi les plus simples et les moins instruits, récitent, entendent, lisent et comprennent la Vie de saint Grégoire, ses Homélies, ses Dialogues» (Patrologie Latine, t. 189, col. 839). Ce témoignage vaut pour bien des générations. Si on lit Grégoire avec passion, on ne se lasse pas davantage de le citer. On vit sur ses écrits comme sur un bien de famille. C’est à «son style d’or et de feu», déclaré immortel par Bernard de Cluny, que «notre moyen âge doit pour une très grande part cette belle prose chantante, rythmée, souple, assonancée, un peu monotone, avec ses balancements, ses ingénieuses antithèses, […] qu’on n’a pas depuis lors assez admirée.» (Lubac, op. cit., p. 545)

Après les siècles monastiques, il garde une grande influence : dans la Somme de saint Thomas, il est l’auteur le plus souvent cité après Aristote et saint Augustin. Et les rares fois où Grégoire se trouve en contradiction avec Augustin, c’est toujours au premier que le Docteur commun donne raison. Sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix, puis Bossuet et Fénelon se sont inspirés des œuvres du saint pape.

S’il fut par la suite longtemps et injustement oublié, il a été redécouvert au XXe siècle. Dom Jean Leclercq a pu constater, au cours d’une longue carrière d’enseignement sur la spiritualité médiévale, l’attrait exceptionnel que Grégoire exerçait sur les jeunes de toutes les parties du monde. Voici l’explication qu’il en donne : «[…] ces étudiantes et étudiants, qui ne sont pas des spécialistes et dont la plupart ne se préparent pas à le devenir, ont reçu de lui un message qui, dès maintenant, est valable pour eux, et capable d’orienter tout leur avenir. Ce qui assure l’unité de ces témoignages vient de ce que Grégoire apporte une réponse à deux appels majeurs de son temps et du nôtre : d’une part, le besoin d’intériorité, de méditation, de prière, de contemplation; d’autre part, celui d’un engagement actif au service de la société. Or il a su parler de l’un et de l’autre avec un accent de conviction qui venait de son expérience. En un temps de misère, d’invasion, d’inflation, il commentait […] les visions d’Ezéchiel et les Evangiles. Dire que les gens de Rome ont entendu cela!» (Grégoire le Grand, Paris, 1986, p. 683).

 

 

A Secundinus, notre très Révérend et très saint frère dans l’épiscopat, Grégoire, serviteur des serviteurs de Dieu

 

 

J’ai commenté, pendant la messe, quarante passages du Saint Evangile, choisis parmi ceux qu’on a coutume de lire à jour fixe dans l’Eglise de Rome. Certaines de ces explications ont été lues en présence des fidèles par un notaire à qui je les avais dictées, les autres prononcées par moi devant le peuple et prises en note telles que je les disais. Mais certains frères, brûlants d’ardeur pour la sainte Parole, ont commencé de répandre ce que j’avais dit avant que je n’aie pu le réviser en détail, comme je me l’étais proposé. Je serais en droit de comparer ces empressés à des faméliques qui veulent se jeter sur la nourriture avant qu’elle n’ait fini de cuire. Or, en expliquant le passage de l’Ecriture qui dit : «Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour y être tenté par le diable» (Mt 4, 1), j’ai commencé par laisser planer quelques hésitations, mais ce doute, je l’ai ensuite corrigé par une remarque pleine d’assurance1.

J’ai aussi veillé à disposer ces homélies en deux livres, dans l’ordre où elles ont été prononcées, de telle sorte que les vingt premières, qui ont été dictées, et les vingt suivantes, qui ont été dites en public, soient dans des volumes différents. Que ta fraternité ne s’étonne pas si tu constates que certains passages, qu’on lit après dans l’Evangile, ont été placés avant, ou bien si tu trouves placés après des passages que l’évangéliste situe avant, car les secrétaires ont regroupé ces homélies dans chaque volume en suivant l’ordre des jours où je les avais prononcées.

Par conséquent, si ta fraternité vient, en sa continuelle assiduité aux saintes lectures, à trouver une explication du passage de l’Evangile cité ci-dessus qui laisserait planer un doute, ou bien si tu découvres un exemplaire de ces homélies où elles ne seraient pas rangées dans l’ordre que je viens de t’indiquer, tu saurais alors que celles-ci n’ont pas été revues, et il te faudrait les corriger grâce à l’exemplaire que j’ai pris soin de te faire parvenir par le porteur de la présente. Ne laisse surtout pas les exemplaires non révisés demeurer sans correction. La version authentique est conservée dans les archives de notre Eglise, en sorte que les personnes qui seraient éloignées de ta fraternité puissent trouver ici un texte corrigé qui leur donne toute sécurité.

 

 

_______________________________

 

1 Cf. Homélie 16, 1.

 

 

 

 

LIVRE I

 

 

 

Homélie 1

 

Prononcée devant le peuple

dans la basilique de saint Pierre, apôtre

 

12 novembre 590 (un dimanche de l’Avent)

 

 

L’avènement du fils de l’homme

 

Cette première Homélie s’inscrit dans le contexte dramatique de l’année 590 (cf. introduction à la Harangue au peuple à propos de l’épidémie). C’est le 3 septembre que Grégoire s’est résolu à prendre en main le gouvernail au milieu du déchaînement des flots : «En pleurant, je me rappelle le tranquille rivage de mon repos, que j’ai perdu», écrit-il alors à saint Léandre. Il ne se contente pas de pleurer sa vie contemplative perdue; mais, comme il a déjà commencé de le faire depuis la mort de son prédécesseur Pélage, il s’occupe du pain quotidien de la population, se dépense sans compter pour les pauvres et organise les secours aux pestiférés. Il puise largement dans les revenus de l’Eglise et dans ses richesses familiales. Ces circonstances nous montrent, certes, son exceptionnelle compétence d’administrateur, mais surtout la largeur de sa charité pastorale.

Ce contexte nous permet de comprendre que les appels du prédicateur à mettre toute son espérance dans le Ciel ne signifient en rien chez lui fuite des responsabilités et oubli de la misère de ses frères. Nous saisissons aussi que ce n’est pas par hyperbole qu’il lance à ses ouailles des exclamations telles que celle-ci : «Voyez combien vous restez du peuple innombrable que vous étiez.» Le pape n’a pas besoin de conditionner son auditoire. Pour ses fidèles aux abois, il est alors évident qu’il n’y a plus d’avenir terrestre. Et c’est sur une telle conviction que saint Grégoire greffe sa prédication, si riche d’espérance chrétienne. Les choses vont au plus mal : soit! Mais les catastrophes qui nous frappent ne nous ont-elles pas été annoncées comme devant précéder la fin du monde et le retour du Seigneur? Or la fin du monde, et notre mort aussi, d’ailleurs, sont le commencement des joies de la patrie céleste. Et le plus court chemin pour y parvenir, si dur puisse-t-il paraître, n’est-il pas le meilleur? La vie présente n’est qu’un chemin; il faut donc mépriser le monde. Un seul souci mérite de nous préoccuper : que le Seigneur, à son retour, nous juge dignes de connaître les joies sans fin que nous espérons. D’où la nécessité de rectifier notre vie, de résister victorieusement au mal et d’expier nos fautes passées.

 

 

Lc 21, 25-33

 

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre, les nations seront angoissées au bruit de la mer et des flots bouleversés; les hommes se dessécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre entière, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté. Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.» Et il leur dit une parabole : «Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils font paraître leurs fruits, vous savez que l’été est proche. Ainsi pour vous : quand vous verrez arriver cela, sachez que le Royaume de Dieu est proche. En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.»

Notre Seigneur et Rédempteur, frères très chers, désire nous trouver prêts. Aussi nous annonce-t-il les malheurs qui doivent accompagner la vieillesse du monde, pour nous éloigner de l’amour de ce monde. Il nous fait connaître quelles grandes calamités vont en précéder immédiatement la fin, pour que, si nous ne voulons pas craindre Dieu quand nous sommes tranquilles, nous redoutions du moins, sous les coups répétés de ces calamités, l’approche de son jugement. Car un peu avant le passage du Saint Evangile que votre fraternité vient d’entendre, le Seigneur disait en manière de prémisses : «Les nations se dresseront contre les nations, et les royaumes contre les royaumes; il y aura de grands tremblements de terre, des pestes et des famines en divers lieux.» (Lc 21, 10-11). Et quelques phrases après, il ajoute ce que vous venez d’entendre : «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre, les nations seront angoissées au bruit de la mer et des flots bouleversés.»

De toutes ces prédictions, nous voyons les unes déjà réalisées; quant aux autres, nous redoutons de les voir bientôt s’accomplir. Que les nations se dressent contre les nations, qu’elles soient oppressées d’angoisse sur la terre, nous le constatons davantage en notre temps que nous ne le lisons dans les livres. Qu’un tremblement de terre ait ruiné des villes innombrables, vous savez avec quelle fréquence nous l’avons entendu rapporter depuis d’autres parties du monde. Des épidémies, nous en subissons sans cesse. Quant aux signes dans le soleil, la lune et les étoiles, il est vrai que nous n’en avons pas encore aperçu, mais les troubles dans l’atmosphère nous permettent déjà de supposer que ces signes ne sont pas loin. D’ailleurs, avant que l’Italie ne soit livrée aux coups des glaives barbares, nous avons vu dans le ciel des armées tout en feu et, en un flamboiement, le sang du genre humain qui fut répandu par la suite. Un bouleversement inouï de la mer et des flots ne s’est pas encore produit. Mais puisque beaucoup de prédictions se sont déjà réalisées, il n’y a pas de doute que suivra encore le petit nombre de celles qui restent, car les faits passés garantissent l’accomplissement de ceux à venir.

2. Si nous vous disons cela, frères très chers, c’est pour tenir vos esprits dans une prudence et une vigilance assidues, de peur que la sécurité ne les engourdisse, et que l’ignorance ne les entretienne dans la langueur; c’est aussi pour que la crainte stimule sans cesse vos esprits, et qu’un tel stimulant les affermisse dans les bonnes œuvres, à la pensée de ces paroles ajoutées par la voix de notre Rédempteur : «Les hommes se dessécheront de frayeur dans l’attente de ce qui doit arriver à la terre entière, car les puissances des cieux seront ébranlées.» Qui le Seigneur appelle-t-il puissances des cieux, sinon les Anges, les Archanges, les Trônes, les Dominations, les Principautés et les Puissances? Ils apparaîtront visiblement à nos yeux lors de la venue du Juge rigoureux, pour nous faire alors payer avec sévérité ce que notre invisible Créateur supporte maintenant de nous sans s’impatienter. Il est ici ajouté : «Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté.» C’est comme si l’on disait clairement : «Ils verront dans la puissance et la majesté celui qu’ils n’ont pas voulu écouter lorsqu’il se présentait avec humilité, de sorte qu’ils ressentiront alors d’autant plus la rigueur de sa puissance qu’ils ne fléchissent pas maintenant la nuque de leur cœur devant sa patience.»

3. Mais ces paroles ayant été dites à l’intention des réprouvés, celles qui suivent sont adressées aux élus pour les consoler : «Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.» C’est comme si la Vérité avertissait clairement ses élus en disant : «Au moment où les malheurs du monde se multiplient et où l’ébranlement des puissances célestes annonce la terreur du jugement, relevez la tête, c’est-à-dire réjouissez-vous en vos cœurs; en effet, tandis que finit le monde, dont vous n’êtes pas les amis, la rédemption que vous avez désirée approche.» Dans l’Ecriture Sainte, le mot «tête» est souvent mis à la place du mot «esprit», car de même que les membres sont commandés par la tête, les pensées sont gouvernées par l’esprit. Lever la tête, c’est donc élever son esprit vers les joies de la patrie céleste. Ainsi, ceux qui aiment Dieu sont invités à se réjouir d’une grande joie à cause de la fin du monde, parce qu’ils vont rencontrer bientôt celui qu’ils aiment, tandis que passe ce qu’ils n’ont pas aimé. Que le fidèle qui désire voir Dieu se garde bien de pleurer sur les malheurs qui frappent le monde, puisqu’il sait que ces malheurs mêmes amènent sa fin. Il est écrit en effet : «Celui qui veut être l’ami de ce siècle se fait l’ennemi de Dieu.» (Jc 4, 4). Celui qui ne se réjouit pas à l’approche de la fin du monde s’affirme donc comme l’ami du monde, et il est par là même convaincu d’être l’ennemi de Dieu. Qu’il n’en soit pas ainsi des cœurs des fidèles. Qu’il n’en soit pas ainsi de ceux qui croient par la foi à l’existence d’une autre vie, et qui montrent par leur manière d’agir qu’ils aiment cette autre vie. Car pleurer sur la destruction du monde convient à ceux qui ont planté les racines de leur cœur dans l’amour du monde, qui ne recherchent pas la vie future, et ne soupçonnent même pas son existence. Mais nous, qui connaissons les joies éternelles de la patrie céleste, nous devons nous empresser vers elles en toute hâte. Il nous faut souhaiter d’y aller au plus vite et d’y atteindre par le plus court chemin.

De quels maux, en effet, le monde n’est-il pas oppressé? De quelles tristesses et de quelles adversités ne sommes-nous pas angoissés? Et qu’est-ce que la vie mortelle, sinon un voyage? Or quelle folie, songez-y bien, mes frères, que de s’épuiser dans les fatigues du voyage sans vouloir pourtant qu’un tel voyage finisse! Pour nous montrer que le monde doit être foulé aux pieds et méprisé, notre Rédempteur ajoute aussitôt une ingénieuse comparaison : «Voyez le figuier et tous les arbres : lorsqu’ils font paraître leurs fruits, vous savez que l’été est proche. Ainsi pour vous : quand vous verrez arriver cela, sachez que le Royaume de Dieu est proche.» C’est comme s’il disait clairement : «Si l’on connaît la proximité de l’été par les fruits des arbres, on peut de même reconnaître par la ruine du monde que le Royaume de Dieu est proche.» Ces paroles nous montrent bien que le fruit du monde, c’est sa ruine : il ne grandit que pour tomber; il ne bourgeonne que pour faire périr par des calamités tout ce qui aura bourgeonné en lui. C’est avec raison que le Royaume de Dieu est comparé à l’été, car alors les nuages de notre tristesse passeront, et les jours de la vie brilleront de la clarté du Soleil éternel.

4. Toutes ces vérités nous sont confirmées avec une grande autorité par les phrases qui suivent : «En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.» Rien, dans la nature des choses matérielles, n’est plus durable que le ciel et la terre, et rien, dans la réalité, ne passe plus vite qu’un mot. En effet, les paroles, tant qu’elles restent inachevées, ne sont pas des paroles, et dès qu’elles sont achevées, elles ne sont déjà plus, puisqu’elles ne peuvent s’achever qu’en passant. Le Seigneur déclare donc : «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.» C’est comme s’il disait clairement : «Tout ce qui autour de vous est durable, n’est pas durable sans changement devant l’éternité; et tout ce qui chez moi semble passer, est en fait fixe et ne passe pas, car ma parole qui passe exprime des idées qui demeurent sans pouvoir changer.»

5. Remarquez-le, mes frères, nous voyons désormais s’accomplir ce que nous venons d’entendre. Chaque jour, des maux nouveaux et croissants accablent le monde. Voyez combien vous restez du peuple innombrable que vous étiez; et cependant, des fléaux ne cessent de fondre sur nous quotidiennement, des malheurs soudains nous frappent, des calamités nouvelles et imprévues nous affligent.

De même qu’au temps de la jeunesse, le corps est vigoureux, la poitrine robuste et saine, la nuque nerveuse et les bronches développées, mais que dans les années de la vieillesse, la taille se courbe, la nuque se dessèche et s’abaisse, la poitrine est accablée de fréquents essoufflements, la force vient à manquer, la respiration difficile interrompt la parole — car même en l’absence de maladie, la santé elle-même n’est souvent pour les vieillards qu’un malaise continuel — de même aussi le monde, dans ses premières années, connut l’équivalent d’une jeunesse vigoureuse; il fut alors robuste pour multiplier la race humaine, plein de verdeur par la santé des corps, comblé de richesses; maintenant, au contraire, le monde s’affaisse sous le poids de sa propre vieillesse, et comme si sa mort approchait, il est accablé d’épreuves sans cesse croissantes. Ainsi, mes frères, n’aimez pas ce monde, qui ne pourra, comme vous le voyez, subsister longtemps. Fixez-vous dans l’esprit ce commandement que l’apôtre [Jean] nous donne pour nous mettre en garde : «N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; car si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui.» (1 Jn 2, 15)

Avant-hier, mes frères, on vous a appris qu’une tempête subite avait déraciné des arbres centenaires, abattu des maisons et renversé des églises jusqu’aux fondations. Combien d’hommes, qui étaient en parfaite santé à la fin du jour, s’imaginaient qu’ils feraient telle ou telle chose le lendemain, et sont cependant morts cette nuit-là de façon soudaine, emportés par le coup de filet de ce cataclysme!

6. Considérons pourtant, mes très chers, que pour réaliser cela, le Juge invisible n’a agité que le souffle d’un vent très léger : il lui a suffi de provoquer la bourrasque d’un seul ouragan pour faire trembler la terre et ébranler les fondements de tant d’édifices au point de les renverser. Que fera donc ce Juge lorsqu’il viendra lui-même et que sa colère s’enflammera pour punir les pécheurs, s’il ne peut être supporté alors qu’il nous frappe au moyen d’un tout petit ouragan? En face de sa colère, quelle chair subsistera, si en agitant le vent, il a fait trembler la terre, et si en remuant violemment les airs, il a renversé tant d’édifices? C’est en considérant cette sévérité du Juge qui doit venir que Paul s’est écrié : «Il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant.» (He 10, 31). Et le psalmiste exprime une telle sévérité en ces termes : «Dieu viendra ouvertement, notre Dieu, et il ne gardera pas le silence. Un feu brûlera en sa présence, et il y aura autour de lui une violente tempête.» (Ps 50, 3). A une telle sévérité dans la justice, la tempête et le feu font cortège, car la tempête éprouve ceux que le feu doit consumer.

Remettez-vous donc le jour du jugement devant les yeux, frères très chers, et en comparaison, tout ce qui semble pénible actuellement vous deviendra léger. C’est au sujet de ce jour que le prophète affirme : «Il est proche, le grand jour du Seigneur, proche et venant en toute hâte. Le cri du jour du Seigneur est amer, l’homme vaillant y sera éprouvé. Jour de colère que ce jour-là, jour de tribulation et d’angoisse, jour de calamité et de malheur, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de brume et de tornade, jour de sonneries de trompe et de trompette.» (So 1, 14-16). De ce jour-là, le Seigneur dit encore par la voix du prophète : «Encore une fois, et j’ébranlerai non seulement la terre, mais aussi le ciel.» (Ag 2, 6)

Voyez, nous venons de le dire : il a ébranlé l’air, et la terre n’a pas résisté; qui donc pourra tenir quand il ébranlera le ciel? Et que dire des événements terrifiants dont nous sommes les spectateurs, sinon qu’ils sont les annonciateurs de la colère à venir? Il nous faut donc considérer qu’il y a autant de différence entre les tribulations actuelles et celles du dernier jour, qu’entre la personne d’un annonciateur et celle d’un juge plein de puissance. Ainsi, frères très chers, appliquez toute votre attention à la pensée de ce jour; rectifiez votre vie, changez de mœurs, surmontez les mauvaises tentations en leur résistant, et celles auxquelles vous avez succombé, expiez-les par vos larmes. Vous verrez un jour l’avènement du Juge éternel avec d’autant plus d’assurance que la crainte de sa rigueur vous en aura dès maintenant fait prendre les devants.

 

 

 

Homélie 2

 

Prononcée devant le peuple

dans la basilique de saint Pierre, apôtre

 

19 novembre 590 (un dimanche de l’Avent)

 

 

L’Aveugle de Jéricho

 

Cette Homélie nous fournit un magnifique exemple d’«exégèse intériorisante». L’homme déchu en Adam a abandonné les réalités invisibles à cause des réalités visibles; il convient donc que ce soient ces dernières qui le ramènent à Dieu. Par quel intermédiaire, sinon par l’Ecriture Sainte, prolongement de l’Incarnation? Aussi saint Grégoire va-t-il s’intéresser à la lettre de l’Ecriture, examiner avec une scrupuleuse attention les mots mêmes de la version latine, s’attacher au texte et à ses plus menues particularités. Chaque mot, chaque petite difficulté est pour lui l’occasion de faire des rapprochements, de citer d’autres textes, d’éclairer l’Ecriture par l’Ecriture, et d’élever ainsi l’âme vers Dieu, au moyen de l’allégorie. Tissée de mots humains et d’images empruntées à la réalité sensible, l’allégorie est au fondement même de la pédagogie divine. Elle frappe la sensibilité et l’imagination de l’homme pour arracher son âme à l’engourdissement. Comme le note Grégoire, «à partir des réalités qu’elle connaît, le discours divin lui met secrètement au cœur un amour qu’elle ne connaît pas» (Commentaire sur le Cantique des Cantiques).

Ainsi l’orateur compare-t-il l’aveugle guéri par le Christ au genre humain. Chassé des joies du paradis par le péché du premier homme et tombé dans les ténèbres, il mendie de Jésus la lumière pour marcher dans le chemin de la vie par ses bonnes œuvres.

La finale de cette Homélie pourra paraître un peu sombre. N’oublions pas cependant l’époque si éprouvée en laquelle le saint pape prêchait. Quand la mort frappe sans relâche, les survivants ont d’ordinaire tendance à vouloir exorciser sa présence par une joie grossière, assortie de plaisirs immédiats : «Mangeons et buvons, car demain nous mourrons!» D’où le devoir du pasteur de protester. Qu’on se rassure pourtant, la joie fleurit dans la suite de ces Homélies, toujours associée aux biens spirituels : l’amour de Dieu qui nous comble, ou la pensée du bonheur infini que Dieu nous prépare dans le Ciel. Grégoire n’invite donc pas au dolorisme, mais à la vraie joie, fruit de l’amour des choses d’en haut.

 

 

Lc 18, 31-43

 

En ce temps-là, Jésus prit à part ses douze apôtres, et il leur dit : «Voici que nous montons à Jérusalem, et que va s’accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l’homme. Car il sera livré aux païens, bafoué, flagellé et couvert de crachats. Et après l’avoir flagellé, ils le tueront; et le troisième jour il ressuscitera.» Mais eux ne comprirent rien à cela; c’était pour eux une parole cachée, et ils ne comprenaient pas ce qui leur était dit.

Or il se trouva, comme Jésus approchait de Jéricho, qu’un aveugle était assis au bord du chemin et mendiait. Entendant passer la foule, il demanda ce que c’était. On lui dit que c’était Jésus de Nazareth qui passait. Alors il s’écria : «Jésus, fils de David, aie pitié de moi!» Ceux qui marchaient devant le réprimandaient pour le faire taire. Mais lui criait de plus belle : «Fils de David, aie pitié de moi!» Jésus, s’arrêtant, demanda qu’on le lui amène. Quand il se fut approché, il l’interrogea : «Que veux-tu que je fasse pour toi?» Il répondit : «Seigneur, que je voie!» Jésus lui dit : «Vois! Ta foi t’a sauvé.» A l’instant il vit, et il le suivait en glorifiant Dieu. Et tout le peuple, voyant cela, célébra les louanges de Dieu.

Notre Rédempteur, prévoyant que sa Passion jetterait le trouble dans l’âme de ses apôtres, leur prédit bien à l’avance, et les souffrances de cette Passion, et la gloire de sa Résurrection. Ainsi, en le voyant mourir comme il le leur avait annoncé, ils ne douteraient pas qu’il dût également ressusciter. Mais parce que ses disciples encore charnels1 ne pouvaient rien comprendre au mystère dont il leur parlait, il eut recours à un miracle. Sous leurs yeux, un aveugle s’ouvre à la lumière, en sorte qu’une action céleste affermisse dans la foi ceux qui ne comprenaient pas les paroles du mystère céleste.

Or il faut, frères très chers, reconnaître dans les miracles du Seigneur, notre Sauveur, des faits dont on doit croire qu’ils se sont véritablement accomplis, mais qui cependant, en tant que signes, nous instruisent de quelque chose. Car tout en témoignant par leur puissance de certaines vérités, les œuvres du Seigneur nous en affirment d’autres par leur mystère. Remarquez-le en effet, à nous en tenir au sens littéral, nous ignorons qui fut l’aveugle dont parle notre évangile, mais nous savons pourtant qui il symbolise dans l’ordre du mystère. L’aveugle, c’est le genre humain : exclu des joies du paradis en la personne de son premier père, privé des clartés de la lumière d’en haut, il subit les ténèbres de sa condamnation; mais retrouvant la lumière grâce à la présence de son Rédempteur, il en vient à apercevoir, en les désirant, les joies de la lumière intérieure, et il pose le pas de ses bonnes œuvres sur le chemin de la vie.

2. Il faut remarquer que c’est au moment où, selon le récit, Jésus approche de Jéricho que l’aveugle retrouve la lumière. Jéricho signifie «lune», et la lune, dans l’Ecriture Sainte, marque la faiblesse de la chair, car elle connaît en chacun de ses cycles mensuels un déclin, qui symbolise notre faiblesse de mortels. Ainsi, c’est lorsque notre Créateur approche de Jéricho que l’aveugle revient à la lumière, puisque c’est quand Dieu a assumé la faiblesse de notre chair que le genre humain a recouvré la lumière qu’il av...

Zgłoś jeśli naruszono regulamin