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The Project Gutenberg EBook of Discours de la méthode, by René Descartes

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Title: Discours de la méthode

Author: René Descartes

Release Date: October 25, 2004 [EBook #13846]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

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Descartes, René

_Oeuvres de Descartes, précédées de l'éloge de René Descartes par
Thomas_


OEUVRES DE DESCARTES.

TOME PREMIER


PUBLIÉES PAR VICTOR COUSIN.



A

M. ROYER-COLLARD,

Professeur de l'histoire de la philosophie morale à la Faculté des
Lettres de l'Académie de Paris

QUI LE PREMIER, DANS UNE CHAIRE FRANÇAISE, COMBATTIT LA PHILOSOPHIE DES
SENS, ET RÉHABILITA DESCARTES,

Témoignage DE MA VIVE RECONNAISSANCE POUR SES LEÇONS, SES CONSEILS ET
SON AMITIÉ



ÉLOGE DE RENÉ DESCARTES,

PAR THOMAS,

DISCOURS QUI A REMPORTÉ LE PRIX DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE EN 1765.



Lorsque les cendres de DESCARTES, né en France et mort en Suède, furent
rapportées, seize ans après sa mort, de Stockholm à Paris; lorsque tous
les savants, rassemblés dans un temple, rendoient à sa dépouille des
honneurs qu'il n'obtint jamais pendant sa vie, et qu'un orateur se
préparait à louer devant cette assemblée le grand homme qu'elle
regrettait, tout-à-coup il vint un ordre qui défendit de prononcer cet
éloge funèbre. Sans doute on pensoit alors que les grands seuls ont
droit aux éloges publics; et l'on craignit de donner à la nation
l'exemple dangereux d'honorer un homme qui n'avoit eu que le mérite et
la distinction du génie. Je viens, après cent ans, prononcer cet éloge.
Puisse-t-il être digne et de celui à qui il est offert, et des sages qui
vont l'entendre! Peut-être au siècle de Descartes on étoit encore trop
près de lui pour le bien louer. Le temps seul juge les philosophes comme
les rois, et les met à leur place.

Le temps a détruit les opinions de Descartes, mais sa gloire subsiste.
Il est semblable à ces rois détrônés qui, sur les ruines même de
leur empire, paroissent nés pour commander aux hommes. Tant que la
philosophie et la vérité seront quelque chose sur la terre, on honorera
celui qui a jeté les fondements de nos connaissances, et recréé, pour
ainsi dire, l'entendement humain. On louera Descartes par admiration,
par reconnoissance, par intérêt même; car si la vérité est un bien, il
faut encourager ceux qui la cherchent.

Ce seroit aux pieds de la statue de Newton qu'il faudroit prononcer
l'éloge de Descartes; ou plutôt ce seroit à Newton à louer Descartes.
Qui mieux que lui seroit capable de mesurer la carrière parcourue avant
lui? Aussi simple qu'il étoit grand, Newton nous découvriroit toutes les
pensées que les pensées de Descartes lui ont fait naître. Il y a des
vérités stériles, et pour ainsi dire mortes, qui n'avancent de rien dans
l'étude de la nature: il y a des erreurs de grands hommes qui deviennent
fécondes en vérités. Après Descartes, on a été plus loin que lui; mais
Descartes a frayé la route. Louons Magellan d'avoir fait le tour du
globe; mais rendons justice à Colomb, qui le premier a soupçonné, a
cherché, a trouvé un nouveau monde.

Tout dans cet ouvrage sera consacré à la philosophie et à la vertu.
Peut-être y a-t-il des hommes dans ma nation qui ne me pardonneroient
point l'éloge d'un philosophe vivant; mais Descartes est mort, et depuis
cent quinze ans il n'est plus; je ne crains ni de blesser l'orgueil ni
d'irriter l'envie.

Pour juger Descartes, pour voir ce que l'esprit d'un seul homme a ajouté
à l'esprit humain, il faut voir le point d'où il est parti. Je peindrai
donc l'état de la philosophie et des sciences au moment où naquit ce
grand homme; je ferai voir comment la nature le forma, et comment elle
prépara cette révolution qui a eu tant d'influence. Ensuite je ferai
l'histoire de ses pensées. Ses erreurs mêmes auront je ne sais quoi
de grand. Ou verra l'esprit humain, frappé d'une lumière nouvelle, se
réveiller, s'agiter, et marcher sur ses pas. Le mouvement philosophique
se communiquera d'un bout de l'Europe à l'autre. Cependant, au milieu de
ce mouvement général, nous reviendrons sur Descartes; nous contemplerons
l'homme en lui; nous chercherons si le génie donne des droits au
bonheur; et nous finirons peut-être par répandre des larmes sur ceux
qui, pour le bien de l'humanité et leur propre malheur, sont condamnés à
être de grands hommes.

La philosophie, née dans l'Égypte, dans l'Inde et dans la Perse, avoit
été en naissant presque aussi barbare que les hommes. Dans la Grèce,
aussi féconde que hardie, elle avoit créé tous ces systèmes qui
expliquoient l'univers, ou par le principe des éléments, ou par
l'harmonie des nombres, ou par les idées éternelles, ou par des
combinaisons de masses, de figures et de mouvements, ou par l'activité
de la forme qui vient s'unir à la matière. Dans Alexandrie, et à la
cour des rois, elle avoit perdu ce caractère original et ce principe de
fécondité que lui avoit donné un pays libre. A Rome, parmi des maîtres
et des esclaves, elle avoit été également stérile; elle s'y étoit
occupée, ou à flatter la curiosité des princes, ou à lire dans les
astres la chute des tyrans. Dans les premiers siècles de l'église, vouée
aux enchantements et aux mystères, elle avoit cherché à lier commerce
avec les puissances célestes ou infernales. Dans Constantinople, elle
avoit tourné autour des idées des anciens Grecs, comme autour des bornes
du monde. Chez les Arabes, chez ce peuple doublement esclave et par
sa religion et par son gouvernement, elle avoit eu ce même caractère
d'esclavage, bornée à commenter un homme, au lieu d'étudier la nature.
Dans les siècles barbares de l'Occident, elle n'avoit été qu'un jargon
absurde et insensé que consacroit le fanatisme et qu'adoroit la
superstition. Enfin, à la renaissance des lettres, elle n'avoit profité
de quelques lumières que pour se remettre par choix dans les chaînes
d'Aristote. Ce philosophe, depuis plus de cinq siècles, combattu,
proscrit, adoré, excommunié, et toujours vainqueur, dictoit aux nations
ce qu'elles devoient croire; ses ouvrages étant plus connus, ses erreurs
étoient plus respectées. On négligeoit pour lui l'univers; et les
hommes, accoutumés depuis longtemps à se passer de l'évidence, croyoient
tenir dans leurs mains les premiers principes des choses, parce que leur
ignorance hardie prononçoit des mots obscurs et vagues qu'ils croyoient
entendre.

Voilà les progrès que l'esprit humain avoit faits pendant trente
siècles. On remarque, pendant cette longue révolution de temps, cinq
ou six hommes qui ont pensé, et créé des idées; et le reste du monde a
travaillé sur ces pensées, comme l'artisan, dans sa forge, travaille sur
les métaux que lui fournit la mine. Il y a eu plusieurs siècles de suite
où l'on n'a point avancé d'un pas vers la vérité; il y a eu des nations
qui n'ont pas contribué d'une idée à la masse des idées générales. Du
siècle d'Aristote à celui de Descartes, j'aperçois un vide de deux mille
ans. Là, la pensée originale se perd, comme un fleuve qui meurt dans les
sables, ou qui s'ensevelit sous terre, et qui ne reparoît qu'à mille
lieues de là, sous de nouveaux cieux et sur une terre nouvelle. Quoi
donc! y a-t-il pour l'esprit humain des temps de sommeil et de mort,
comme il y en a de vie et d'activité? ou le don de penser par
soi-même est-il réservé à un si petit nombre d'hommes? ou les
grandes combinaisons d'idées sont-elles bornées par la nature, et
s'épuisent-elles avec rapidité? Dans cet état de l'esprit humain, dans
cet engourdissement général, il falloit un homme qui remontât l'espèce
humaine, qui ajoutât de nouveaux ressorts à l'entendement, qui se
ressaisît du don de penser, qui vît ce qui étoit fait, ce qui restoit à
faire, et pourquoi les progrès avoient été suspendus tant de siècles;
un homme qui eût assez d'audace pour renverser, assez de génie pour
reconstruire, assez de sagesse pour poser des fondements sûrs, assez
d'éclat pour éblouir son siècle et rompre l'enchantement des siècles
passés; un homme qui étonnât par la grandeur de ses vues; un homme en
état de rassembler tout ce que les sciences avoient imaginé ou découvert
dans tous les siècles, et de réunir toutes ces forces dispersées pour
en composer une seule force avec laquelle il remuât pour ainsi dire
l'univers; un homme d'un génie actif, entreprenant, qui sût voir où
personne ne voyoit, qui désignât le but et qui traçât la route, qui,
seul et sans guide, franchît par-dessus les précipices un intervalle
immense, et entraînât après lui le genre humain. Cet homme devoit être
Descartes. Ce seroit sans doute un beau spectacle de voir comment la
nature le prépara du loin et le forma; mais qui peut suivre la nature
dans sa marche? Il y a sans doute une chaîne des pensées des hommes
depuis l'origine du monde jusqu'à nous; chaîne qui n'est ni moins
mystérieuse ni moins grande que celle des êtres physiques. Les siècles
ont influé sur les siècles, les nations sur les nations, les vérités sur
les erreurs, les erreurs sur les vérités. Tout se tient dans l'univers;
mais qui pourrait tracer la ligne? On peut du moins entrevoir ce rapport
général; on peut dire que, sans cette foule d'erreurs qui ont inondé le
monde, Descartes peut-être n'eû...
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